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Le contexte historique

Le baptême de Clovis

Clovis, roi des Francs Saliens aurait été baptisé le jour de Noël 466 par l'archevêque Remi, primat de Belgique Seconde à l'emplacement de la cathédrale de Reims. Une colombe serait alors survenue, apportant une ampoule qui aurait contenu de l'huile, le "saint chrème" qui aurait servi à sacrer les rois de France à travers les siècles. Et trois mille guerriers Francs auraient été baptisés avec lui.
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entre 496 et 506

Cet événement miraculeux fut inventé par l'archevêque Hincmar au IX° siècle pour consolider l'importance de soin siège épiscopal de Reims, en compétition alors avec la basilique Saint Denis, nécropole des rois de France près de Paris. Il fallait aussi renforcer la légitimité de la royauté carolingienne, en opérant une confusion du baptême et de la consécration du roi comme élu de Dieu pour exercer une sorte de prêtrise laïque sur le royaume. En effet le rituel du sacre s'est de plus en plus apparenté au fil des siècles à la consécration d'un évêque. Cette légende s'est intégrée à l'historicité officielle du royaume au XII° siècle. Cependant l'on peut s'interroger sur la signification de cet événement aujourd'hui, alors que la légitimité de l'ordre républicain est en question.

 Le contexte historique :

Au V° siècle après JC, l'empire romain fut divisé en deux. L'empire d'Orient (capitale Constantinople) résista avec peine aux assauts redoublés des "barbares". L'empire d'Occident, malgré le transfert de sa capitale de Rome à Ravenne, mieux défendue, en dépit d'une subtile stratégie d'alliances qui divisait les tribus "barbares" entre elles pour mieux régner, n'y parvint pas.

lesdits "barbares" ou "Germains" étaient en fait des tribus dirigées par des "rois", qui étaient des chefs de guerre consacrés par leur invincibilité (bénis de Wotan ou Odin, le Dieu de la guerre) tant qu'ils étaient vainqueurs. Ils étaient plus ou moins nomades, et vivaien,t d'élevage, de pillage et d'exploitation des populations réduites en esclavage. Ce n'étaient pas vraiment des ethnies, mais des conglomérats d'aventuriers, le "roi" pratiquant l'adoption de "fidèles", les "antrustions" et constituant son armée du rassemblement des bandes armées que ces "fidèles" conduisaient au combat.

Ces "tribus étaient nombreuses et de puissance très variable. Les principales (des armées de 10.000 à 20.000 hommes accompagnées de familles et d'esclaves jusqu'à 100.000 à 150.000 personnes) étaient :

- Les Ostrogoths (sous Théodoric), qui s'installèrent en Italie.

- Les Wisigoths (sous Alaric), qui s'installèrent en Aquitaine et en Espagne

- Les Burgondes qui s'installèrent dans la vallée du Rhône

- Les Vandales, qui tournèrent dans toute la Gaule avant de s'installer finalement en Afrique du Nord

- Les Alamans qui s'installèrent en Suisse et en, Bavière

- Les Francs, eux mêmes divisés en Francs Rhénans, installés autour de Trèves, et en Francs Saliens, ceux de Clovis, installés en Bassin Parisien

- les Huns enfin (sous Attila), installés en Hongrie : les plus redoutables de tous par leur qualités de cavaliers, ils ravagèrent toute l'Europe de 440 à 455.

 

La rivalité entre ces bandes était constante et leur activité de raids guerriers et pillards permanente. Cela était redoublé par un facteur religieux puissant. Païens et polythéistes à l'origine, ils furent presque tous convertis (sauf les Francs) à une hérésie chrétienne, l'Arianisme. Cette croyance considérait Jésus comme fils de Dieu mais comme une sorte de demi-dieu, ce qui leur permettait d'accepter qu'il ait été crucifié car Dieu, selon eux, ne pouvait être qu'invincible. Les non croyants étaient considérés comme possédés de démons et donc persécutés.

Les romains d'Occident les ont en partie intégrés à l'empire, d'abord comme mercenaires puis comme délégués du pouvoir impérial dans des régions délimitées avec un titre romain ("consul", "patrice", "auguste"). Mais ces alliances étaient très instables. Les royaumes germains plus ou moins installés par les romains furent donc plus ou moins romanisés. Les plus romanisés d'entre eux étaient probablement les Francs, bien qu'ils aient conservé leur croyance païenne, jusqu'au baptême de Clovis !

En 450, les Huns lancèrent une formidable armée d'invasion de 50.000 h sur la Gaule. Ce fut le dernier acte majeur du patrice romain Aetius de rassembler presque toutes les tribus germaniques autour de lui pour l'affronter à la bataille des Champs Catalauniques près de Châlons en Champagne et le vaincre en 451. Attila se détourna ensuite vers l'Italie qu'il ravagea avant de mourir. A sa mort, ses troupes se dispersèrent.

Qu'y a-t-il à voir entre la fondation du royaume de France et la rivalité entre ces bandes armées qui s'acheva avec la suprématie de l'une d'entre elles, celle des Francs ?

 

Les Francs : un peuple ? Clovis : un roi ?

Clovis, fils de Childéric et petit-fils de Mérovée, devint roi des Francs Saliens à l'âge de 15 ans en 481. Comme son père et son grand père, il avait en charge la protection de l'Eglise gallo-romaine Nicéenne (catholique et fidèle au dogme  de la sainte trrinité établi par le concile de Nicée) de cette province. Celle-ci était dirigée par Remi, archevêque de Reims. Il était en concurrence d'influence avec Geneviève, patronne de Paris et avec les moines de l'abbaye St Martin de Tours. Il administrait la vie civile, sociale et culturelle de la région : sa cité, Reims, qui avait été capitale de la province romaine sous le nom de Durocortorum, demeurait le contre du pouvoir sur le nord du bassin parisien. Même s'ils restaient païens, les Francs Saliens étaient fortement romanisés, et alliés à Remi.

Clovis, à la mort de son père, dut d'abord affronter et battre Syagrius, chef de guerre romain qui lui disputait la fonction de gouverneur militaire de la province. Il consolida ainsi son pouvoir par une double culture, car il pratiquait aussi des "mariages civils" avec d'autres familles franques pour les unifier en une seule armée et un seul entourage d'antrustions. Enfin, il fit un mariage religieux avec la Burgonde catholique Clothilde qui entreprit de le convertir peu à peu : elle le convainquit de pratiquer la monogamie. L'évèque Remi prit alors en charge sa formation de chrétien et de chef d'Etat.

Il gagna deux batailles décisives : à Tolbiac contre les Alamans (là où la légende lui fait promettre de se convertir s'il est vainqueur) il acquit la domination du territoire des Francs Rhénans (ou Ripuaires); enfin, à Vouillé, il battit les Wisigoths d'Alaric et les repoussa au delà des Pyrénées, ce qui lui permit de conquérir l'Aquitaine. Il multiplia ainsi l'étendue de son royaume par 5.

Ceci est rendu possible pour 3 raisons :

      1/ par son baptême, il consolidait l'administration de son royaume en adoptant le droit romain. Il reprit à son compte le "bréviaire d'Alaric"  créé par les Wisigoths et le fit corriger par Remi pour créer la "loi salique". En outre le baptême lui permit d'intégrer la cavalerie lourde romaine à son armée, ce qui lui donna une supériorité incontestable sur ses adversaires.

      2/ par sa politique d'amalgame, il institua l'égalité entre les Francs et les Gallo-Romains, au lieu de confisquer les biens des populations conquises et de les persécuter, comme le faisaient les Goths.

      3/ sous l'influence de Clothilde, il institua dans la loi salique le droit de succession de primogéniture masculine (à la mort du prince seul hérite de la couronne le fils aîné), ce qui metttait fin aux querelles successorales et aux guerres civiles, même si cette législation fut difficile à appliquer ensuite et ne sera vraiment effective que sous les Capétiens.

Mais les Francs étaient-ils vraiment un "peuple", une ethnie ? Aujourd'hui, on en est beaucoup moins sûr. C'était certainement une élite, une ébauche d'aristocratie d'origine mêlée, d'autant plus que les mariages mixtes étaient fort encouragés avec les Gallo-Romains. Ce que Clothilde, Clovis et Remi firent, par le baptême, ce fut de consolider cette mixité par une croyance unique, une administration et une législation d'inspiration double, romaine car écrite, germanique car coutumière, et c'est cela qui fut consacré par la cérémonie du baptême. On peut y voir une opération éminemment politique.

Il en reste une trace dans le récit légendaire du baptême : si l'accent est marqué sur le caractére prétendument miraculeux de l'événement (la fiole d'huite de la consécration apportée par une colombe), il est également noté que "3000 guerriers francs" (un chiffre évidemment symbolique) furent simultanément baptisés. Ce "détail" a été considéré jusqu'aujourd'hui comme accessoire ...

 La postérité du baptême

Elle est extrêmement discutée et controversée, car il y en a 5 possibles :

- la conversion d'un païen au catholicisme :

C'est la postérité la plus ancienne, celle qui a fait de Remi, de Geneviève et de Clothilde des saints, celle qui a fait du royaume de France "la fille aînée de l'Eglise". C'est sans doute la plus crédible. On remarquera que Clovis, bien qu'il fût le roi en titre, ne fut pas sanctifié. Mais la raison de cette sanctification est principalement politique : si les légendes parsèment leur biographies de miracles comme en témoignent les tapisseries exposées au musée de Reims, la raison essentielle est l'organsation du royaume sous la loi salique dont les auteurs furent Remi et Clothilde.

- l'alliance stratégique avec Rome et Constantinople :

Elle est tout à fait formelle, même si les relations avec Byzance ont une relative importance économique, comme on peut le remarquer par la diffusion des monnaies byzantines dans le royaume Franc. Si Clovis n'est reconnu par l'empereur que comme un subordonné, il est en réalité complètement indépendant.

- la fondation d'une dynastie :

La dynastie de Clovis existait déjà depuis son grand père  Mérovée. Par ailleurs, elle a cessé d'exister en 751, un peu plus de deux siècles plus tard. Cependant, l'aristocratie franque se maintint et, en s'appuyant sur la loi salique et les stratégies matrimoniales, devint le pilier de ce qui allait devenir la féodalité, sous le règne des Carolingiens (qui créèrent les comtes et les ducs), puis celui des Capétiens. Jusqu'à la révolution Française, il était notoirement reconnu que la noblesse de France était la descendance, directe ou indirecte, des Francs.

- la légitimation divine par le sacre de la monarchie :

Le baptême n'est pas un sacre. Le rite du sacre ne fut créé que plus tard par les descendants de Charlemagne, et consolidé plus tard encore. D'ailleurs, c'est l'évèque de Reims Hincmar qui fut l'auteur de la légende du miracle de la "sainte ampoule". Dans la version qu'il a popularisé du baptême, il transforme en fait le baptême (qui était et reste toujours une adhésion à la religion chrétienne) et sacre (qui fut une désignation reconnue par l'Eglise du chef d'un Etat monarchique). C'est pourquoi, b ien que la capitale du royaume fut et demeura Paris, le lieu du sacre pour la plupart des rois de France fut la cathédrale de Reims.

- la fondation de la France : 

En fait il s'agit alors du royaume des Francs. On n'appellera cela le royaume de France qu'au XIII° siècle lorsque les rois francs entreront en possession du Sud de la France actuelle après la croisade des Albigeois. En 1793, sous la première république, la "sainte ampoule" fut solennellement brisée par un membre du Comité de Sûreté Générale, le Conventionnel Rühl, et la fonction de préfecture de la Marne fut refusée à la ville de Reims. Il fallait rompre la tradition monarchique.

L'origine légendaire de la France fondée par Clovis demeure, même si l'édification du royaume est le produit d'une évolution longue et mouvementée.

Pour cela, on peut dire que les cinq postérités du baptême de Clovis sont historiquement discutables car elles sont datées en fonction des circonstances, mais toutes sont encore aujourd'hui revendiquées.

Mais laquelle serait aujourd'hui convaincante ?

 la conversion est en fait, selon mon point de vue la seule postérité pensable,, encore qu'il soit difficile de distinguer entre une conversion religieuse authentique et une opération politique. C'est pourquoi, depuis le XIX° siècle, les nostalgiques de la monarchie perpétuent, tout comme les chrétiens traditionnalistes, la mémoire du baptême de Clovis : ils ont érigé à Reims une église, la basilique Sainte Clothilde, et perpétuent la vénération de "saint" Remi, les deux principaux artisans, selon eux de la christianisation du pays et de son Etat.

Pour ma part, je reprendrais plutôt ce "détail" que j'évoquais en introduction ! La référence à 3000 francs participant au baptême est certes symbolique. Elle est utilisée par l'Eglise et les historiens chrétiens pour justifier la formule "France, fille aînée de l'Eglise". Mais elle peut avoir un autre sens : celui d'une alliance, celui d'une relation établie entre deux cultures dans une organisation commune. On peut en parler comme d'un pays qui n'aurait pas une origine unique mais multiple. Quant à l'inscription religieuse des origines, elle ne peut être que discutable, car la conviction religieuse du ou des baptisés de cette époque ne peut être ni vérifiée, ni comparée aux convictions religieuses de notre époque.

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Ci-dessus la basilique St Clothilde construite à Reims en 1896 dans le style néo-byzantin à la mode, et ci dessous l'inscription-dédicace en latin : "au Christ, qui accorda aux Francs sa préférence, la Gaule dédie cette basilique Sainte Clothilde"

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Eléments de bibliographie : quelques ouvrages récents ...

Bruno Dumézil, Le baptême de Clovis, Gallimard, 2019

Michel Rouche, Clovis, Fayard 1996

sources narratives :

Histoire des Francs par Grégoire de Tours 

Chronique de Frédégaire, 660

1° référence écrite contemporaine du baptême : lettre de St Avid, évêque de Vienne

vie de saint Remi par l'évèque Hincmar

Les Francs : un peuple ?
la postérité du baptême
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